L’attente a été aussi longue pour elle que pour ses fans. La séduisante Viktor Lazlo signe un nouvel album aux reflets subtils et charnels. « Suds », c’est chaud, c’est doux. Tout en rondeur, d’une grande maturité. Attention, risque d’addiction !
Il y a quelques semaines, Viktor Lazlo faisait sensation sur la scène de Tropiques Atrium. À l’heure où certains re-re-re-reviennent, elle apparait campée dans son altière posture de diva, un pied obstinément planté dans « son île à la terre brûlante ». Métisse à la beauté radieuse, désarmante de sensualité, elle vient illuminer la période, habillant sa voix envoûtante des plus chatoyantes couleurs musicales délicatement ciselées, pour un single en toute sensibilité. Magnétique, intime, obsédant !
Chic et séduisante
Vous l’avez compris, Viktor Lazlo, on l’aime ! Si elle s’est aventurée dans l’univers du cinéma et de la littérature avec succès, la songwriter confirme avec son nouvel opus ce que l’on savait déjà : c’est au monde de la musique qu’elle appartient. Octobre 2021, la chanteuse réinvestit les bacs avec « Suds ». Sur la pochette sobre et épurée de sa nouvelle création, elle s’affiche pétillante, sur fonds gris, dans la douceur miellée des gardénias. Reine de beauté aux pieds nus et aux allures de mannequin, elle a depuis plusieurs années conquis la scène par sa grâce et son élégance. Pas de chichi vestimentaire. Robe sombre au tissu délicat, léger et souple. Le décor et l’ambiance sont posés. Harmonies solaires, pulsations jazzy coulent dans les nappes. Les années passent et la recette marche toujours autant pour Viktor Lazlo. Loin des surproductions maniérées et schématiques actuelles, la diva phrase le jazz avec légèreté.
« Comme une brise apaisante »
Il suffit parfois d’une chanson pour porter un disque à des hauteurs atmosphériques. Dès « Ouvre », l’empreinte est forte. Une nonchalance caressante, une fantaisie non dénuée de profondeur, sur des airs de cordes, de percussions et de batterie, avec de jolies trouvailles d’écriture. La voix. Ah la voix ! Naturelle et douce, au timbre singulier, elle vient se poser sur les pistes. Mélopée envoûtante, plongeant l’auditeur dans une transe sorcière. Quelques minutes suffisent pour nous propulser dans un ailleurs et nous faire frissonner de plaisir. « Sé an bagay ki ka chayéw’. An môso lanou ka brilé nou. Sé kon si chalè la ka monté é pa ka désann, paka jenmen, jenmen tonbé » Et on tombe sous le charme de cette femme à la voix claire et sensuelle. « J’ai voulu offrir un album chaleureux et bienfaisant, comme une brise apaisante. » Et grand bien lui a pris.
Le soleil lui va si bien !
Tantôt caressant comme le soleil qui vous dore la peau au bord de la mer, tantôt revendiquant dans le vent le droit
de croire en la vie, son jazz cultive tout à la fois intensité, souplesse et élégance. Une musique qui génère de tendres émotions. Au fil des treize pistes, sa voix chaude, colorée, claire et langoureuse, chemine sans se perdre ; mélangeant « les origines qui la fondent » avec ses affinités caribéennes, pour nous emmener, « au-delà de ses chagrins d’ébène », vers ces « ailleurs qui l’enchainent à l’écume, au vent, à la mer ». Nous arpentons avec elle les territoires d’Afrique, du Cap Vert, du Brésil, de la Caraïbe, jusqu’à Cuba ; ces lieux « où aucune étincelle ne se noie ». En version acoustique somptueuse, jazz, rumba, bossa nova, et autres sonorités afro-américaines fusionnent avec subtilité, à travers une musique poétique et aérienne. Métissage réussi ! Viktor Lazlo nous plonge dans la musicalité des mots, des langues, dans leur chair et dans leur âme ; nous envoûte, nous emporte vers des horizons lointains et magiques. Un monde rempli de sentiments généreux et chaleureux. « Célébration de cette diaspora foisonnante qui nous rassemble et nous ressemble ».
Airs de famille
À la fois fougueux et tendre, nostalgique et solaire, le disque reste d’une beauté intégrale ; un nu sensuel, charnel, où la diva, de toute son âme, se livre sans concession, avec un irrésistible enrobage musical. C’est très certainement la sincérité de sa démarche artistique qui permettra à Viktor Lazlo, auteur de l’album, de s’entourer de grands professionnels comme Arnaud Dolmen, batteur guadeloupéen ; Felipe Cabrera, contrebassiste cubain ; William Brunard, violoncelliste français, Inor Sotolongo, percussionniste cubain, Leonor Recondo, violoniste et écrivaine française ; Stéphane Chausse, clarinettiste français, Christophe Cravero, pianiste français du sud pour réaliser son titre ; sans contrainte ni pression extérieure, entre amis et passionnés ; avec la complicité du guitariste égyptien Khalil Chahine en maître d’œuvre. Compositeur de « Suds », sensible aux musiques du monde, il raconte l’histoire de l’album, entre anecdotes, expérimentations et invitation au voyage, le tout avec humilité et plaisir. Un roman, des émotions, du talent ; et la vie fait le reste. « J’ai lu un livre qu’elle (Viktor Lazlo) venait de sortir : « Les passagers du siècle », et ce livre m’a beaucoup marqué. Il m’a inspiré l’envie de faire ce projet qui parlerait de tous les «Suds».»
« Suds », treize titres proches de la perfection qui chantent l’amour, l’enfance, les origines, les différences, l’ailleurs... Inspiré du confinement, « Charabia ». Une ode à la liberté, à la chaleur humaine et aux plaisirs. Portée par une émotion à fleur de voix, « Ebène » brille d’un éclat mélancolique. Sur une composition en écriture commune, « Bukowski » ; magnifique duo entre la belle voix brumeuse de David Link et celle très limpide de la chanteuse ; signe « trente- cinq ans d’amitié jonchée de collaboration ponctuelles ». Pas de doute, ces coopérations résument l’état d’esprit de cet écrin musical. Du délire ! Prouesses musicales en une osmose parfaite. Un plaisir palpable d’être là et de jouer ensemble. « Suds », un album à avoir, à écouter en boucle. Un opus sensible et inspiré où swing et musicalité flirtent avec élégance. Un grand moment de beauté pure, du temps suspendu.
Texte de Jakeline Lebrun paru dans France Antilles Le Mag
